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La thèse sur la « bouche du nageur » récompensée

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06.03.24
Hamed Smida a reçu, lors du dernier congrès de l’ADF, le prix « Sujets scientifiques, cas ou situations cliniques et/ou médicaux d’intérêt pour son travail » grâce à sa thèse sur « La bouche du nageur : les répercussions de la pratique prolongée des activités de la natation en piscine traitée au chlore sur la sphère bucco-dentaire : revue systématique de la littérature ». Interview.

CDF Mag : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Hamed Smida : J’ai 43 ans. Je suis né à Lyon. J’y ai toujours vécu et j’y ai suivi toutes mes formations. C’est une ville agréable à vivre qui s’embellit d’année en année. Aujourd’hui, j’exerce en libéral à Vienne, à quelques kilomètres au sud de ma ville natale.

Durant votre carrière, en revanche, vous avez eu la « bougeotte »…

H.S. : Mon parcours est en effet assez atypique (sourire). Titulaire d’un brevet d’éducateur sportif des activités de la natation(1), j’ai commencé ma carrière comme entraîneur de natation. J’avais la responsabilité des premiers secours auprès des usagers des piscines, ce qui m’a permis de franchir la barrière du soin. Cela m’a donné envie d’aller plus loin. Je suis donc entré en institut de soins infirmiers… où j’ai d’ailleurs rencontré celle qui est devenue ma femme. Après trois ans et demi de formation, j’ai exercé en réanimation, de 2009 à 2014, tout en suivant une licence en sciences humaines. Non seulement cela a bien marché, mais cela m’a beaucoup plu. Je me suis donc lancé dans les études médicales… J’ai raté le concours la première année – d’une place ! – mais ai réussi l’année suivante et choisi l’odontologie. J’avais 35 ans.

Comment en êtes-vous venu à travailler sur « la bouche du nageur » ?

H.S. : En 2e et 3e années, nous avions des cours sur les risques carieux spécifiques au sein de certaines professions. Nous avons ainsi appris que les boulangers étaient à risque carieux individuel élevé(2)… tout comme les nageurs professionnels ! Cela m’a surpris. Ayant passé ma vie à la piscine, je n’avais jamais entendu parler de ce risque. J’en ai discuté avec ma professeure, qui m’a confirmé que cela était référencé dans la littérature. J’ai creusé un peu le sujet, sans toutefois trouver beaucoup d’éléments. En revanche, j’ai découvert plusieurs articles concernant le risque élevé d’érosion dentaire et de tartre spécifique chez les nageurs. J’ai donc, progressivement, eu envie d’y consacrer ma thèse.

Comment avez-vous mené vos recherches ?

H.S. : Grâce aux conseils avisés de ma directrice de thèse, la professeure Béatrice Thivichon-Prince, j’ai procédé à une revue systématique de la littérature sur PubMed et sélectionné 14 articles exploitables, parus entre 1986 et 2019. Outre des cas relevés en Inde, Italie ou Espagne, on retrouve celui de nageurs qui, aux États-Unis, se sont plaints de problèmes cutanés, oculaires et dentaires après s’être baignés dans une piscine dont le pH de l’eau, après enquête, était à 3. À Cuba, une nageuse, après s’être également baignée dans une piscine très acide, s’est retrouvée avec un émail complètement dissous. 

Quelles sont vos principales conclusions ?

H.S. : En piscine, le pH de l’eau doit osciller entre 6,9 et 7,7 pour que le traitement de l’eau soit optimal. C’est en tout cas, en France, les normes fixées dans le Code de la santé publique. Quand le pH de l’eau est trop acide, on constate, chez les nageurs, un phénomène d’érosion dentaire entraînant la destruction de l’émail et de la dentine. Quand, au contraire, le pH de l’eau dépasse 7, on observe, dans la bouche, un effet de dépôt de calcium et de magnésium mal cristallisé qui, combiné aux protéines et débris bactériens naturellement présents mais exceptionnellement dénaturés par l’eau chlorée, entraîne la formation d’un tartre assez particulier, jaune à brun foncé, beaucoup plus dur à éliminer que le tartre « ordinaire ». Selon les études, ce tartre spécifique n’entraîne pas d’inflammation gingivale.

Quelles précautions faut-il donc prendre ?

H.S. : En France, le pH de l’eau dans les piscines publiques est extrêmement contrôlé et j’en sais quelque chose ! Mais il faut être conscient des risques en cas de baignades prolongées dans les piscines privées des hôtels ou des particuliers(3) ainsi que dans les piscines à l’étranger, où les normes peuvent être différentes. Dans ma thèse, j’évoque notamment quelques mesures simples de prévention pour les nageurs qui partent en compétition à l’international :

  • se rendre une fois par an chez un chirurgien-dentiste pour un contrôle ;
  • opter pour une brosse à dent à poils souples ainsi qu’un dentifrice au fluor ;
  • éviter les brossages trop agressifs ;
  • compléter avec un bain de bouche fluoré pour renforcer l’émail ;
  • mâcher, après une attaque acide, un chewing-gum au Xylithol sans sucre ou se rincer la bouche avec de l’eau si le brossage n’est pas possible ;
  • faire attention aux boissons énergétiques parfois trop sucrées ou trop acides…

Qu’avez-vous ressenti en recevant un prix pour votre thèse ?

H.S. : J’ai été très surpris ! C’est mon jury qui, lors de ma soutenance en mars 2022, m’a suggéré de concourir au Prix de thèse ADF/Dentsply Sirona. Je pensais n’avoir aucune chance… Aujourd’hui, je suis très heureux d’avoir obtenu la reconnaissance de mes pairs et j’ai le projet de rédiger, avec ma directrice de thèse, un article qui serait référencé dans PubMed. Je compte aussi me rapprocher des fédérations sportives et des autres disciplines médicales pour mieux faire connaître ce sujet de santé publique.

Laura Chauveau

Savoir

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